Les Echos du 28/02/08 :
Un ministre du numérique, maintenant
[...] Plus de dix mois après la promesse de campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, celui qui est devenu président de la République pense aujourd'hui que « le poste est nécessaire » mais dit qu'il ne lui reste plus qu'à « trouver le bon candidat ». Sa décision est prise. Son cabinet n'est pas plus précis, mais, concernant la dénomination, ce ne sera pas un secrétaire d'Etat aux « NTIC », car les « nouvelles technologies de l'information et de la communication » ne sont plus si nouvelles que cela ! Ni un « haut-commissaire au développement numérique », proposé par la commission Attali, car il existe déjà un haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté.
Le chef de l'Etat dispose en tout cas d'une fenêtre de tir - le remaniement ministériel d'après les municipales de mars 2008 - pour enfin procéder à cette nomination. « Je confierai à un membre du gouvernement la mission de prospective, de pilotage et de coordination de la politique de l'Internet et du numérique. Chef de file, il disposera des moyens politiques et financiers nécessaires à sa mission et représentera la France dans les négociations européennes et internationales sur le sujet », avait promis le rival de Ségolène Royal (1). [...]
Ce n'est pourtant pas les candidats qui manquent. Des noms circulent, déjà ministre ou pas. Gabrielle Gauthey, Valérie Pécresse, Frank Supplisson, Thierry Solère, André Santini...
Et les Echos de poursuivre en énonçant le millefeuille actuel :
Le gouvernement a bien un délégué aux usages de l'Internet, Bernard Benhamou, mais il dépend d'un unique ministère, celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, lequel dispose aussi d'un Conseil consultatif de l'Internet (CCI) en stand-by avant une réforme nécessaire de la régulation et de la déontologie des contenus en ligne.
Il y a bien aussi un Conseil stratégique des technologies d'information (CSTI) et un Comité stratégique du numérique (CSN), auprès du Premier ministre qui les préside, avec comme délégué Jean-Michel Hubert. Cependant, le premier est un relais consultatif entre le secteur privé et le gouvernement qui ne s'est plus réuni depuis mars 2007. Le second, interministériel, se polarise sur le basculement de la télévision vers le numérique et la répartition du dividende des fréquences ainsi libérées.
Autre service du Premier ministre : la Direction du développement des médias (DDM), dirigée par Laurence Franceschini, mais elle reste « médiatique » bien que de plus en plus centrée sur les « contenus en ligne ».
Au ministère de l'Economie, il y a le service des technologies et de la société de l'information (STSI) que dirige Emmanuel Gabla sur des problématiques industrielles, et le service du développement de l'administration électronique (SDAE), axé sur la réforme de l'Etat.
Sans parler de la Direction centrale de la sécurité des systèmes d'information (DCSSI) à la Défense nationale et de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) au ministère de l'Intérieur.
Quant au ministère de la Culture et de la Communication, il intervient sur les droits d'auteur dans la société de l'information - avec, par exemple, la création de la mission de lutte contre le piratage sur Internet confiée au PDG de la FNAC, Denis Olivennes.
Le problème en France est que cet éclatement des prérogatives numériques - accentué par des électrons plus ou moins dépendants des pouvoirs publics tels que le Forum des droits sur l'Internet (FDI), le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), la Commission de la rémunération pour copie privée (« Albis ») ou encore les autorités administratives (CNIL, Arcep, CSA, ANFR, Cada...) - aboutit à une cacophonie qui rend illisible toute politique dans ce domaine.
Le Président serait sollicité pour créer le poste au plus vite :
La création de ce ministère de la gouvernance numérique ne saurait plus tarder. Ce ne sont pas les piqûres de rappel qui ont manqué depuis le 6 mai dernier.
L'Alliance TICS a été la première, dès juin, à souligner au nouveau président qu'il fallait « une priorité nationale pilotée par un membre du gouvernement ayant la légitimité élective, une expérience démontrée des NTIC et une capacité à construire le consensus économique, technique et surtout sociétal sur des sujets en évolution permanente ».
Dans la foulée, le Syntec, syndicat de l'industrie informatique, avait lui aussi redemandé à Nicolas Sarkozy un délégué intergouvernemental rattaché au Premier ministre.
En juillet, ce fut au tour du Sénat de rappeler la promesse au bon souvenir de l'Elysée en appelant - dans le rapport Retailleau - à la création d'un commissariat au numérique rattaché, là aussi, au Premier ministre avec autorité sur les différents services ministériels concernés.
Le « think tank » renaissance numérique, qui compte parmi ses membres des patrons du Net (Google, Dailymotion, Yahoo!, Priceminister, eBay, Pagesjaunes...) est revenu à la charge en novembre en demandant un « secrétaire d'Etat en charge du développement numérique », et même, en janvier dernier, un « ministre de l'Internet ».
Même le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) s'est rallié à cette exigence d'un « monsieur ou madame Internet ».
www.lesechos.fr/info/analyses/4693077.htm