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J'avais soumis, il y a deux mois sur le forum de Ratiatum, une idée très similaire à celle du "prix unique du livre" pour favoriser la diversité culturelle.
Contrairement à M. Jean Dionis (UDF), je ne crois pas à l'émulation par la concurrence entre les plateformes légales : il y a évidemment une distorsion. Distorsion due aux constructeurs comme Apple - comme [Christian Paul l'a précisé la semaine dernière] - mais également due au fait que les majors diffusent elle-même leur musique. Dans ce dernier cas, comment empêcher les plateformes comme Universal Music de se réserver les exclusivités sur leurs artistes Universal et de céder des licences aux autres plateformes un mois plus tard ou à un prix élevé ? Où serait la concurrence dans la mesure où un internaute, s'il s'abonne à un service de type illimité, sera contraint de "consommer" quasi-exclusivement les artistes d'une seule major ? Dans ces conditions, comment une plateforme commerciale indépendante peut survivre si elle ne produit pas, elle-même, suffisamment d'artiste à succès pour rester compétitive face aux majors ?
Pour sortir de ce problème, il y a, je pense, trois approches différentes possibles :
- ne pas légiférer et laisser jouer les règles de la concurrence, faire confiance à la loi actuelle pour déjouer les pratiques monopolistiques. Je suis, hélas, circonspect lorsqu'on voit déjà ce qui se pratique aujourd'hui (cf. le contrat d'exclusivité d'Orange pour diffuser en avant-première le dernier hit de Madonna)
- interdire à un producteur d'être également diffuseur (exit la plateforme Universal Music) et laisser le champ à des diffuseurs indépendants comme la Fnac ou les FAI (sauf AOL, s'il reste lié à la Warner). Ceci risque cependant de poser des problèmes si on ne distingue pas l'autoproduction par exemple et fragiliserait le marché émergent des plateformes commerciales (je ne les défends pas mais je me fais l'avocat du diable : les majors ne l'accepteront jamais)
- imposer, comme on le fait aujourd'hui aux maisons d'édition, un prix unique pour l'ensemble des oeuvres, sans donner aucune exclusivité : un producteur ne pourrait faire ainsi qu'une offre unique, valable pour l'ensemble des plateformes commerciales, peu importe leurs maisons mères ou leurs tailles, et peu importe le format de distribution (mp3, wma, aac) retenu. La plateforme légale publique, prévue par l'amendement de M. Dutoit, serait également concernée : elle pourrait ainsi distribuer l'ensemble des artistes, selon des critères peut-être moins commerciaux (un peu comme les stations de Radio-France).
C'est cette dernière solution que je soutiens, naturellement. Je pense ce système bon pour l'internaute (il peut acheter sa musique dans n'importe quelle plateforme commerciale, la diversité est élargie, la concurrence est réelle, on limite un peu les effets de la non-interopérabilité des formats), bon pour l'artiste (il bénéficie d'une diffusion plus large) et bon pour les plateformes indépendantes (elles peuvent croître à côté de celles des majors ou des FAI et s'imposer par la qualité de leurs services).
M. Petitgirard, ex-président de la SACEM, était plutôt favorable à un tel système lorsque je l'ai soumis sur le forum de Ratiatum :
"Et bien je trouve que vous avez fondamentalement raison.
Malheureusement, je redoute que le droit français ne regorge d'arguments contre; à commencer par une simple analogie au commerce.
Personne ne peut obliger un producteur à contacter tous les distributeurs.
Mais j'aime beaucoup le principe que vous proposez.
Comme vous l'a dit l'un de vos interlocuteurs, ce sera de toute façon leur intérêt."
http://www.ratiatum.com/forum/index.php?showtopic=52526Vous avez peut-être déjà inclus une idée de ce genre dans vos amendements. Sinon, peut-être qu'il peut avoir un intérêt à en proposer un dans ce sens, qu'en pensez-vous ?
Cordialement, et en vous remerciant encore pour vos prises de position courageuses et intelligentes,
Hawkins.