Bonjour Nano,
nano a écrit:Bonjour,
étant un jeune lycéen très intéressé par la programmation, je m'interroge sur la possibilité que je devienne un jour développeur professionnel.
Cependant, je me pose parfois des questions (un peu saugrenues...) sur l'avenir de cette profession :
Il n'y a pas de questions saugrenues... Développeur est une profession d'avenir, bon choix, je pense... (même si je ne le suis pas
).
nano a écrit:Imaginons le développeur que je pourrai être dans une quinzaine d'années. Il serait employé d'une entreprise de création de logiciels, et aurait une famille à nourrir. Imaginons aussi que le kilo de patates au supermarché ne soit toujours pas gratuit et encore moins sous licence GPL ! Et enfin imaginons la croissance (prévisible) qu'aura connu(e?) la communauté de développeurs de logiciels libres d'ici-là.
Il faudrait définir ce que l'on pourrait appeler "logiciel" et "logiciel libre". Dans l'inconscient collectif, logiciel signifie automatiquement propriétaire. Ceci nous vient très certainement du matraquage de Microsoft(tm) : un ordinateur/un utilisateur/une licence = un ordinateur doit être monoposte, monoutilisateur.
Dans notre perception actuelle, logiciel et logiciel libre semble s'opposer...
Effectivement, il existe une conception difficile à percevoir : l'informatique produit quelque chose qu'il est difficile à définir. Donc chacun propose sa vision en fonction de son but (gain, commerce, travail, loisir, philosophie, art...)
nano a écrit:Qu'adviendrait-il de ce développeur et de l'entreprise, si la communauté était capable de développer un logiciel bien meilleur que le sien ?
Dans une économie telle que nous le concevons à l'heure actuelle, à quoi peut servir une entreprise qui produit moins bien ? Quel est son rôle économique et social ? Quel est son devenir ?
Une entreprise (terme qui a remplacé celui de société...) est un contrat social, non une entité naturelle soumise à une sélection de type darwinienne. Elle ne disparaîtra pas de facto. Le plus bel exemple est bien celui de Microsoft(tm) : si on ne peut nier les améliorations de ses logiciels, ceux-ci sont moins bons que ceux de certaines sociétés, ou certains logiciels libres. Il s'agit ici de techniques économiques et commerciales qui lui permettent d'amasser de l'argent pour se maintenir dans un système de règles très précis et auto-entretenu. Une entreprise ne peut se maintenir dans notre système que si elle possède un poids économique et une technique commerciale à toute épreuve.
Le logiciel libre est une conception collaborative de la société. Elle pose comme postulat que l'efficacité est liée à la confrontation des points de vue et de leur validation par une communauté de personnes compétentes. Lorsque l'on fait appel à la notion de sélection naturelle de Darwin, on met souvent en exergue la compétition comme relation principale entre les individus ou les espèces (le plus fort va gagner). Il s'agit là d'un point qui a été retenu par la société du XIXe siècle. Or il en existe d'autres : le commensalisme, le parasitisme, la coopération, l'indifférence, la prédation, etc. Le parasitisme est actuellement la norme dans le monde vivant : cette relation régit près de 90 % des liens entre la plupart des espèces... Lorsque l'on relit (et retraduit) "L'origine des espèces" on s'aperçoit que Darwin pensait que la coopération est la meilleure façon de survivre pour une espèce. Attention, ici on se place au niveau de l'espèce, non au niveau de l'individu, ce qui est aussi une torsion de la pensée de Darwin pour l'adapter à la vision du XIXe siècle (on appelle ça le darwinisme social).
nano a écrit:Si, malgré ses connaissances très importantes en informatique, il ne pourrait faire le poids face à une armée de cerveaux travaillant ensemble ? Il aurait, contrairement à la plupart d'entre eux, de lourdes charges financières et se retrouverait certainement un jour au chômage...Et c'est donc peut-être avec raison que l'Etat, pour défendre la noble cause qu'est le travail, ne souhaite pas promouvoir le logiciel libre.
Ta question montre bien qu'une personne seule face à des problèmes à résoudre est fragile, voire inefficace. Le groupe (malgré quelques inconvénients) se révèle bien plus souvent pertinent et offre, à terme, de meilleures solutions : c'est un système globalement positif, il apporte plus que moins (cf. "La cathédrale et le bazar"). Et contrairement à ce qu'on veut nous faire croire les "génies" ne dérogent pas à cette règle : ils ont besoin d'un système collaboratif pour y exprimer la puissance de leur capacité mentale (l'école par exemple pour y apprendre les bases de la pensée...). Pour revenir au début de ta proposition, lorsqu'une entreprise t'emploie, elle souhaite que tu puisses travailler au sein d'un groupe avec les techniques de travail telles que le brainstorming, le mindmapping, etc. Il y a certes tes compétences dans un domaine donné, mais aussi ta faculté à collaborer : ce qui est beaucoup moins facile. Surtout actuellement, où l'on met sur un pied d'estal l'individualisme et la compétition à outrance : on ne peut être que premier, le second est un premier raté, on ne fait mieux les choses que si on est dans une ambiance de stress, il faut aller vite, peut importe le coût et les moyens, seul le résultat compte, etc.
"[...]Une armée de cerveaux[...]" ? : la connaissance ne se construit pas en temps de guerre mais en temps de paix... S'opposer n'implique pas uniquement la destruction de l'autre. En tout cas, je n'ai pas cette conception de l'humanité...
nano a écrit:Désolé de vous faire part de cette petite histoire un peu ennuyeuse, mais c'est une préoccupation que j'ai. Même si je reste persuadé que l'opensource est l'avenir de l'informatique !
Qu'en pensez-vous ?
1/ ce n'est pas ennuyeux ;
2/ l'opensource est une autre façon de voir une technique de diffusion des savoirs. Sans parler de révolution, on peut facilement imaginer ce qu'a impliqué l'invention de l'imprimerie au XVe siècle et surtout le temps que cela a pris ;
3/ quel avenir nous est réservé ?
En ce qui concerne l'informatique, une société peut faire valoir ses compétences en logiciels libres, proposer des services liés à cette forme de travail. On peut tout à fait imaginer que tu contribues à développer du logiciel libre et à le proposer à des entreprises. Elles ont un interlocuteur efficace dans un domaine qui peut être perçu comme flou et mouvant. Ce qui est une erreur : depuis que j'utilise OpenOffice.org, je n'ai plus de problèmes de versions et de pérennité de mes fichiers. C'est ici que réside la force du logiciel libre.
Le travail d'un informaticien redeviendra ce qu'il a toujours été : maintenir un système qui évolue.
Le logiciel propriétaire s'est condamné lui-même, par ses propres règles : pour fidéliser mes utilisateurs, je les empêche d'aller voir ailleurs, je les enferme dans mon propre système où c'est moi qui décide de ce qu'il est possible de faire et de ne pas faire.
Le logiciel libre est développé en fonction des besoins des utilisateurs. Les utilisateurs finiront par choisir ceux-ci, mais cela prendra du temps...
Bien à toi.
Euryale.