Pour rappel, Deezer affichait le message suivant à ceux qui tentaient (maladroitement) de télécharger ses morceaux (une capture d'écran ici):
Vous avez tenté d'accéder à un contenu protégé.
Nous vous informons que votre adresse ip a été détectée en France et a été enregistrée dans notre base de données.
Nous vous rappellons que cette pratique est interdite et répréhensible par la loi.
La société BLOGMUSIK SAS se réserve le droit d'alerter les autorités compétentes en cas d'abus.
You've tried to access a protected content. We inform you that your IP address localized in France has been recorder in our data base.
We recall you that this behaviour is totally forbidden and reprehensible by the law.
BLOGMUSIK SAS Company will inform all competent authority in acse of abuse.
J'avais alors expliqué dans ce sujet que sur le fond d'une part, l'illégalité dénoncée par Deezer était tout à fait discutable et que sur la forme d'autre part, un tel enregistrement était irrégulier vis-à-vis de la CNIL.
Là encore, après une stratégie de déni dans laquelle il prétendait être "en règle vis-à-vis de la Cnil", Deezer est en progrès.
À la suite de mes remarques sur l'illégalité d'un tel traitement, Deezer s'est décidé à en tenir compte et m'informait de sa volonté d' "être dans la conformité".
Il y a plusieurs choses intéressantes à en retenir.
Premièrement, Deezer reconnaît à présent que cet avertissement n'est là qu'à titre dissuasif, précisant qu'aucune procédure n'est et ne pourra être engagée sur la base de ces adresses IP enregistrées. Il s'agissait donc bien d'une "formule incantatoire destinée à apeurer les internautes et rassurer les ayant-droits, à défaut d'être juridiquement établie" comme je la qualifiais ici.
Deuxièmement, Deezer m'informait que cette page serait supprimée.
Cela signifie-t-il pour autant que Deezer n'enregistre plus les adresses IP des personnes tenant d'accéder directement aux morceaux diffusés, afin de les télécharger par exemple ?
Ce n'est pas certain, si j'en crois les déclarations de Deezer qui m'indique continuer à enregistrer les adresses IP afin d' "établir des statistiques privées à Deezer pour mesurer le taux de tentative ou d'échec de clef (une erreur aussi courante) et faire des regroupement par FAI". Pour information, la clef sert justement à empêcher l'accès direct aux morceaux diffusés par Deezer.
Le lendemain, Deezer indiquait avoir complètement désactivé le traitement des IP, sans toutefois avoir désactivé leur enregistrement.
Enfin aujourd'hui, Deezer m'affirmait avoir désactivé l'enregistrement des adresses IP.
De l'extérieur, il est difficile de savoir ce qu'il est exactement. Mais en toute hypothèse, Deezer ne pourrait invoquer dans le cadre d'une procédure judiciaire des adresses IP collectées illégalement. De plus, une collecte ou un usage autre que ceux autorisés par la CNIL constituerait un délit passible de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.
Troisièmement, Deezer m'informait lundi que la page d'avertissement serait modifiée le lendemain, notamment pour préciser que cet enregistrement ne pourrait donner lieu à aucune poursuite.
Le lendemain, la page était ainsi modifiée (une capture d'écran ici):
Vous avez tenté d'accéder à un contenu protégé.
Nous vous rappellons que cette pratique est interdite par les condition générale de deezer.
La société BLOGMUSIK SAS se réserve de suspendre l'acces de votre compte deezer en cas d'abus.
Je passe sur les fautes d'orthographe que je leur ai signalé pour en venir au fond : ce nouveau message est-il "en règle", comme me le demande Deezer ?
On note en premier lieu un changement notable par rapport à l'avertissement initial :
D' "interdite et répréhensible par la loi", la tentative de téléchargement d'un morceau diffusé par Deezer ne devient plus qu' "interdite par les condition générale de deezer".
C'est une évolution importante, car implicitement, Deezer ne prétend plus qu'il s'agit d'une pratique illégale ou que "la copie privée des morceaux diffusés par Deezer est un acte de piratage".
De fait, la discussion est déplacée du terrain de la loi vers celui contrat. Quelle valeur a ce nouvel avertissement ?
Tout d'abord, il y a une certitude : du fait du déplacement sur le terrain contractuel, l'interdiction affichée par Deezer ne peut s'appliquer à ceux qui ne sont pas parties au contrat, c'est-à-dire les auditeurs non inscrits sur Deezer et qui de ce fait n'en ont pas accepté les conditions d'utilisation.
D'ailleurs, la sanction de suspension de compte Deezer ne peut par définition affecter les personnes qui n'en sont pas membres.
Reste ensuite la situation des personnes inscrites sur Deezer et qui à ce titre en ont accepté les conditions générales d'utilisation. Se voient-elles interdire la possibilité de réaliser une copie privée des morceaux diffusés ?
Non, pour deux raisons.
D'une part, Deezer prétend que "cette pratique est interdite par les condition générale de deezer", sans en préciser l'article.
Et pour cause, car en réalité leur lecture montre qu'elles ne contiennent rien à ce sujet.
Selon Deezer, ces conditions générales d'utilisation doivent être prochainement modifiées par leur avocat. Nous verrons bien.
D'autre part, quand bien même elles contiendraient une telle interdiction, peuvent-elles empêcher la faculté de copie privée ? En d'autres termes, ce que la loi permet, le contrat peut-il l'interdire ?
La loi prévoit en effet que les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs "ne peuvent interdire (...) les reproductions strictement réservées à l'usage privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective" (article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle pour les auteurs et L. 211-3 pour les artistes-interprètes et producteurs).
Or, Deezer tient ses droits de diffusion (quand il les a) des titulaires de droits sur les œuvres diffusées, c'est-à-dire les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs.
En vertu du principe juridique selon lequel nul ne peut transférer plus de droits qu'il ne possède lui-même, Deezer n'a pu se voir conférer par ces derniers un droit d'interdire la copie privée qu'ils n'ont pas.
C'est pourquoi celle nouvelle page d'avertissement ne me paraît pas plus juridiquement fondée que la précédente. [s]D'ailleurs, Deezer l'a depuis supprimée pour rediriger simplement vers sa page d'accueil.[/s]
Edit : en fait, la page apparaît toujours de façon fugace avant la redirection, on peut l'apercevoir avec une URL du type http://proxy-01.deezer.com/getStream.php?ID=test
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leto_2
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