Ner0lph a écrit:Flûte.
Je ne comprends plus rien.
en effet, essayons de clarifier ce joyeux bazar :-)
Message long mais que j'espère clair.
Aisyk a écrit:Alors plusieurs points :
- Deezer est 100% légal parce que l'accord qu'il a avec la Sacem est le seul qu'un site diffusion doit avoir. La Sacem étant une société d'auteurs s'occupant de la diffusion de oeuvres de ses sociétaires, c'est la seule à contacter pour les diffusions d'oeuvres.
- Les accords avec les producteurs ne sont pas des accords d'autorisation, mais des accords sur la rémunération des producteurs/interprètes sur la base du droit voisin (avec accord par les SCCP/PROCIREP/SPEDIDAM/ADAMI et perception par la SPRE http://www.spre.fr/PRESENTATION4.ASP ).
En conclusion, pour le moment et en l'absence d'accord sur la rémunération des droits voisins, seuls les auteurs compositeurs sont rémunérés par Deezer.
1- tu te bases implicitement sur l'hypothèse où Deezer pourrait bénéficier du régime la licence dite légale, en vertu duquel les titulaires des droits voisins (artistes-interprètes et producteurs phonographiques) ne peuvent s'opposer à la diffusion d'un phonogramme commercialisé (article L214-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Dans ce cas en effet, il n'y a pas besoin de recueillir leur accord préalable.
Je ne crois pas que Deezer puisse bénéficier de cette qualification là, et je vais expliquer pourquoi.
Mais même si c'était le cas, cela ne signifie pas que Deezer est "100% légal" comme tu l'affirmes.
Les diffusions qu'il fait "ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs." (article L214-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Or, tu concèdes que "pour le moment et en l'absence d'accord sur la rémunération des droits voisins, seuls les auteurs compositeurs sont rémunérés par Deezer."
Donc, même dans l'hypothèse (à laquelle je ne crois pas) où Deezer pourrait être traité comme relevant de la licence légale, il n'en respecte pas les dispositions. En l'absence de rémunération des titulaires des droits voisins, ce service serait donc illégal.
2- Deezer peut-il bénéficier du régime de licence légale ?
L'article L. 214-1, qui fait exception au principe d'une autorisation nécessaire, vise deux cas :
Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer :
1° A sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ;
(l'exemple du café dont parle Shnoulle)
La communication n'étant pas "directe" mais via un canal de diffusion (internet), le cas n° 1 n'est pas concerné.
2° À sa radiodiffusion et à sa câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi qu'à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable
(l'exemple de la radio dont parle Shnoulle et à laquelle Aisyk se réfère implicement)
Cela vise-t-il Deezer ?
Clairement non. Indépendamment des discussions sur le canal de diffusion utilisé (hertzien ou cable), c'est surtout qu'elle n'est pas simultanée et intégrale.
Seuls seraient concernés les média réalisant une diffusion en ligne simultanée et intégrale du programme qu'ils diffusent déjà par les modes de communication traditionnels (le simulcasting).
Lors des débats sur l'adoption de la loi DADVSI, s'est posée la question d'élargir le bénéfice de la licence légale aux webradios.
Cependant, les projets d'amendements en ce sens n'ont pas été adoptés, la question ne fait donc pas de doute.
Surtout, ils excluaient le service offert par Deezer :
projet d'amendement n° 83
L’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
I. – Le troisième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 2° A sa communication au public par fil ou sans fil, sauf en cas de mise à disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement ;
Exposé sommaire de l'amendement :
L'amendement prévoit enfin qu'un décret s'assurera que les multiples possibilités techniques qu'offre la mise à disposition du public d'oeuvres en ligne respecte, dans la mesure du possible, tant le domaine d'application légitime du droit exclusif que les règles de déontologie existantes dans la radio hertzienne entre les professionnels associatifs, publics et privés soient préservées. A cette fin, il pourra, notamment préciser les limites de cette diffusion afin de :
a) Ne pas offir la possibilité technique d’écouter et/ou de télécharger un phonogramme au moment choisi individuellement, notamment au travers de moteurs de recherche ;
b) Ne pas offrir la possibilité technique de modifier ou d'individualiser le programme
radio ;
c) Masquer l'URL du programme radio ;
d) Ne pas restreindre la programmation à un artiste ou groupe ou à un auteur, sous
réserves d'opérations ponctuelles événementielles, promotionnelles ou d'actualité ;
e) De manière générale, de proscrire toute exploitation illicite manifeste.
Donc pour résumer :
- les radios ne diffusant que sur internet (webcasting au lieu de simulcasting) ne peuvent bénéficier du régime de la licence légale,
- le projet d'amendement qui voulait leur étendre ce régime n'a pas été adopté
- de toute façon, ce projet excluait expressément les conditions de diffusion de Deezer (écoute à la demande, individualisation des playlists, moteur de recherche des morceaux, etc). En ce sens, il est difficile d'assimiler Deezer à une webradio.
C'est pourquoi, les webradios ne bénéficient pas du régime de la licence légale et sont donc tenues de conclure des accords avec les titulaires des droits voisins (voir par exemple le site france-webradios.org).
On fait une pause, on respire. :-)
Puisque Deezer ne peut bénéficier du régime de la licence légale, on retourne au principe comme le rappelle ben_san :
article L. 214-1:
"Dans tous les autres cas, il incombe aux producteurs desdits programmes de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins prévu aux articles L. 212-3 et L. 213-1."
Et ces dispositions prévoient clairement la nécessité d'un accord des artistes-interprètes et producteurs :
article L212-3 a écrit:Sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image.
Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 212-6 du présent code.
L212-3 a écrit:Le producteur de phonogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son.
L'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l'article L. 214-1.
Le respect de ces dispositions est pénalement sanctionné :
article L335-4 alinéa 1 a écrit: Est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, ou toute télédiffusion d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, réalisée sans l'autorisation, lorsqu'elle est exigée, de l'artiste-interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l'entreprise de communication audiovisuelle.
Pour les raisons exposées, il me semble donc que Deezer est tenu d'obtenir l'autorisation de tous les ayant-droits concernés :
auteurs, mais également titulaires des droits voisins (artistes-interprètes et producteurs).
Ceci explique pourquoi à plusieurs reprises, ses responsables affirment être en discussions avec les producteurs de disques, ce qui n'aurait pas de sens si Deezer pouvait se dispenser de leur accord.
Comme indiqué précédemment, dans l'attente de l'obtention de ces accords, la diffusion que réalise Deezer n'est pas légale.
Aisyk a écrit:Oui ok, là dessus. Je voulais éditer mais j'ai vu ton message par la suite.
Maintenant :Art. L. 211-1. Les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs. En conséquence, aucune disposition du présent titre ne doit être interprétée de manière à limiter l'exercice du droit d'auteur par ses titulaires.
Les producteurs et interprètes ne peuvent s'opposer à l'exercice du droit d'auteur, donc celui représenté par la Sacem.
Tartiflou et ben_san t'ont déjà répondu sur le sens de ces dispositions.
Je rajoute qu'un principe élémentaire du droit veut que l'on ne peut conférer à autrui plus de droits que l'on n'en possède soi-même.
L'auteur, et par extension la société à laquelle il a confié ses droits, possède des droits d'auteur, mais n'est pas titulaire des droits voisins.
Par conséquent, "l'exercice du droit d'auteur par ses titulaires" ne peut conférer à Deezer de droits relevant des droits voisins.
Ce n'est pas "s'opposer à l'exercice du droit d'auteur". C'est au contraire respecter ce qu'il est, et ce qu'il n'est pas.
Aisyk a écrit:En gros pour toutes les diffusions il faut l'accord de la Sacem et des sociétés de producteurs (SCPP, PROCIREP et SPPF) et artistes interprètes (SPEDIDAM, ADAMI) ? Dans la pratique, c'est bien la Sacem seule qui gère ces autorisations.
la pratique a ce petit défaut de ne rendre compte que d'elle-même.
Le cas que tu décris concerne les situations relevant de la licence légale, qui pour les raisons évoquées plus haut, paraît inapplicable au cas de l'espèce.
Vivifiant ce débat sur Deezer, ça serait intéressant que ses responsables y participent. :-)
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leto_2
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