Et M. Didier Mathus, (pour terminer en beauté ) a écrit:M. Didier Mathus…Pour resituer le projet de loi dans le mouvement intellectuel des dernières années, il faut revenir sur la révolution numérique. La multiplication des capacités d'échange entre individus sur Internet, avec les plateformes peer-to-peer mais aussi d'autres technologies, a totalement révolutionné les industries de la culture et de l'information. On assiste à une désindustrialisation des échanges culturels, notamment en matière de musique, où les échanges par peer-to-peer offrent une valeur ajoutée en permettant aux adolescents de réaliser leurs compilations personnelles. Ils choisissent eux-mêmes leur diversité culturelle. Elle ne leur est plus imposée d'en haut par un industriel. Je considère cela comme très positif. De même, les blogs et les wikis, dont on a peu parlé mais qui vont prendre une importance considérable, sont en train de révolutionner l'information. Wikipedia, par exemple, et un certain nombre de procédés agrégatifs permettent à chacun de participer, de son ordinateur, à l'élaboration d'une conscience collective et d'une connaissance partagée. Bien sûr, cela remet en cause l'arbre traditionnel de transmission de l'information et de la connaissance détenu jusqu'ici par quelques industriels des contenus, qui décidaient de ce que devaient écouter les gens, et quelques industriels de l'information, qui décidaient de ce qu'ils devaient penser.
Cette révolution, qui met brutalement en cause toutes ces grandes procédures de transmission verticale d'un émetteur vers des récepteurs passifs, entraîne inéluctablement un conflit entre, d'une part, les industriels propriétaires des contenus et des catalogues et, d'autre part, les citoyens internautes qui tentent de faire valoir ce droit nouvellement acquis à l'expression et à la diversité culturelle librement choisie.
La bataille de retardement du Gouvernement, avec le présent projet, ne fait illusion à personne. Elle revient, encore une fois, à vouloir endiguer la mer avec du sable. Toutes les mesures de pénalisation longuement décrites au fil des articles 13 et 14 seront sans effet réel sur la société d'aujourd'hui car tout le monde sait que la pénalisation massive ne fonctionne pas.
Le gouvernement français est celui qui a choisi la transposition la plus répressive, avec la Grèce. Or on s'aperçoit que, même dans les pays qui ont opté pour des adaptations beaucoup plus ouvertes et respectueuses des libertés individuelles, comme le Danemark et le Royaume-Uni, où les poursuites ne sont lancées que contre certains types d'échanges de fichiers effectués à des fins commerciales, les législations sont peu ou pas appliquées. Les tribunaux ne prononcent pas les sentences parce que, encore une fois, on ne peut pas légiférer contre la société.
La tentative du Gouvernement est vouée à l'échec. Vouloir légiférer contre la société ne peut pas aujourd'hui marcher.
On se trouve face à un problème considérable - le même que dans le domaine de l'industrie biogénétique, lorsque certains industriels comme Monsanto essayent d'imposer des gènes propriétaires : ...
M. Charles Cova. Blablabla !
M. Didier Mathus. ...dans le domaine de la propriété intellectuelle, il y a une telle frénésie d'appropriation, une telle voracité de profits que quelques industriels tentent d'imposer l'idée que tout ce qui circule sur le Net devrait leur appartenir. Cette bataille ne fait que commencer.
Aujourd'hui, le Gouvernement l'emportera sûrement. Il est soutenu par une majorité. Mécaniquement, ce soir ou demain, il arrivera au bout de son calvaire, si j'ose dire. Il aura fait adopter ce projet de loi pour le plus grand bénéfice des industriels des contenus. Mais ce sera une victoire à la Pyrrhus. Il est clair que les aspirations à la liberté et à l'enrichissement culturel seront de toute façon les plus fortes. La volonté de faire de la propriété intellectuelle une espèce de gisement pour actionnaires n'a aucune chance de l'emporter à terme.
La bataille que nous menons sera perdue ce soir ou demain dans cet hémicycle, mais elle sera gagnée dans la société l'an prochain ou dans deux ans.