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Page 11 sur 12Précédent 1 ... 8, 9, 10, 11, 12 SuivantPlaidoyer pour les licences NC - Non Commercial.

Le Libre soulève de nombreuses questions, notamment sur la vente liée, les verrous numériques, les libertés numériques.., Parlons-en avec écoute et respect de l'autre.

Lun 29 Juin, 2009 11:22

Mammouthland a écrit:Moui, tant que c'est cela ça ne me choque pas, puisque l'accès aux ressources n'est pas payant. A condition tout de même que ce soit de la publicité "honorable". Si c'est de la pub pour des sites X, là, je risque de moins apprécier !

En même temps si on se sert de tes ressources pour créer librement et gratuitement un site X ça ne te plaira pas plus, donc bon... soit tu autorises réellement les usagers à utiliser tes ressources comme bon leur semble (exception faite de l'utilisation commerciale) soit tu ne l'autorises pas (ou sinon il faut te créer une licence sur mesure).
JosephK

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Messages : 2221

Lun 29 Juin, 2009 11:44

Mouhahahaha ! Je sais bien que les CSS sont sexy, mais tout de même !
Je en vois pas très bien comment faire de ça un site X... (on dérive là, on dérive... ;) )
Mammouthland

Messages : 7

Lun 29 Juin, 2009 12:06

@Mammouthland : Je ne vois pas trop en quoi rajouter la clause NC empêchera une utilisation non voulue de ton travail : pourquoi quelqu'un qui ne respecte pas les clauses By ou SA respecterai la clause NC. (je dis ça par rapport aux dérives que tu dénonces plus haut)

Après le choix de la clause pour du stricto non commercial se défend dans un monde ou les gens respectent le choix de licence ; mais perso je considère que la promotion que quelqu'un peu faire de ton travail mérite salaire, le reste est une question de cohérence entre le travail effectué et le paiement demandé, à discrétion de cette personne - la philosophie du libre repose en grande partie sur l'implication et la responsabilisation de chacun, ce qui me semble être le cas aussi ici.
Shimegi

Messages : 524
Géo : Tours

Lun 29 Juin, 2009 12:24

Shimegi a écrit:Je ne vois pas trop en quoi rajouter la clause NC empêchera une utilisation non voulue de ton travail : pourquoi quelqu'un qui ne respecte pas les clauses By ou SA respecterai la clause NC. (je dis ça par rapport aux dérives que tu dénonces plus haut)


Ah mais tout à fait ! Le fait d'avoir une licence permet juste d'avoir un recours, ou du moins un moyen de pression si le cas de non respect du travail est avéré. Ça marche dans 99,9% des cas. Reste le epsilon contre lequel on ne pourra rien, à part sortir l'artillerie lourde...

Il ne faut pas être naïf ni dans un sens, ni dans un autre. Je pense que dans 98% des cas une licence n'est même pas nécessaire car le sens éthique l'emporte.
Dans le 2% qui restent, 1,5% ne respecte pas par ignorance plus que par véritable fourberie.
Restent les 0,5% à cause desquels ont doit se protéger de cette façon.
Mammouthland

Messages : 7

Mar 30 Juin, 2009 13:02

Je suis de retour ! :wink:
Mammouthland a écrit:Ce n'est pas tellement l'histoire de "se faire du fric sur mon dos". C'est un petit peu plus subtil que ça. Disons plutôt qu'il y a une autre dimension dans le principe. Ces ressources mises en ligne sont libres et gratuites et doivent le rester.
Ah oui ! là je saisis le truc, tu veux à tout prix que l'accès à ces ressources ne soit pas bridé par la limitation de l'argent.
Sauf que si effectivement la transmission de ton oeuvre pourrait être bridé par l'argent, dis-toi qu'elle pourrait également l'être si celui les coûts de leur transmission n'est pas amorti.
Tu donnes toi-même l'exemple du livre imprimé :
Mammouthland a écrit:(si c'est un bouquin, ça ne peut pas être autrement : faut bien payer le papier)
[mode ironie = ON] Mais, mais, mais... un livre diffusé sous licence BY-SA (ou Art libre) et dont le format édité et imprimé sur papier est payant, ça me dit quelque chose ! :) Frrr... frama... Framabook ! C'est cela ! :twisted: [mode ironie = OFF] Les responsables d'ILV et du Framabook (+ auteurs respectifs des framabook), si vous passez dans le coin votre témoignage serait intéressant ! :wink:

D'ailleurs,
Mammouthland a écrit:Pourtant, quelque part, je me tire une balle dans le pied en disant ça, puisque je me soustrais à une certaine reconnaissance.... Bah : je m'en fous.
Ben oui mais tant pis pour toi ET pour les potentiels destinataires de ton travail. Si un utilisateur a du mal à lire sur un écran (il me semble que techniquement la lecture à l'écran est 30% mois rapide que sur papier mais je n'ai pas la source sous la main), il devra mettre en page et imprimer le tout lui-même même s'il était prêt à dépenser ce qu'il fallait auprès d'un éditeur, sûrement moins que le coût des feuilles et l'encre qu'il devra y passer...
Ces ressources mises en ligne sont libres et gratuites et doivent le rester
--> bam ! coût caché !

Mammouthland a écrit:
Jorm a écrit:hé bien, tant mieux pour eux, du moment qu'ils citent l'auteur (MOI !) et l'endroit où ils l'ont trouvé ! [couic] Donc l'acheteur va constater qu'il a acheté quelque chose qu'il aurait pu obtenir gratuitement (sur ton site) et en voudra au vendeur.

Ah, là... non, non, non. Justement non. Pas "tant mieux" du tout. L'idée même que je puisse me dire "tant mieux pour eux, et pour moi puisque ça me rapporte de la notoriété"[u] là ou une personne s'est faite avoir me donne des boutons. Sûrement pas. Très mauvais argument pour me convaincre Jorm ! ;)

Ok, je me suis mal exprimé, c'était du deuxième degré. :? C'était une façon de dire (de manière rhétorique) qu'un vendeur n'essayera jamais d'arnaquer un client s'il lui fourni en même temps la preuve de l'arnaque, car cela lui fera systématiquement une mauvaise publicité. En citant la source gratuite, le vendeur montre qu'il s'est fait du fric sur le dos du client. Ce dernier est mécontent et lui fait un mauvaise pub, s'il ne cite pas sa source (ton site par ex), le vendeur prend le risque que tu porte plainte pour non respect de la licence (clause BY = droit moral de paternité, ça peut lui coûter cher) --> donc ne le fera pas. CQFD 8)

Mammouthland a écrit:Et puis il y a eu quelques dérives, comme celle-ci par exemple : http://forum.alsacreations.com/topic-9- ... oller.html. Pas de monétisation dans ce cas, du moins pas au moment où nous avons découvert le pot-au-roses, mais c'était déjà pas mal.
Pas de rapport avec la clause NC ici, puisque c'était la clause BY (déjà présente dans le droit français même sans aucune licence CC préalable)
Je continue à ne pas vraiment voir le pourquoi de ton NC. Si tu veux surtout te protéger contre l'utilisation abusive de ton travail donc que quelqu'un s'approprie ton travail pour le reprendre à son compte, la licence BY-SA suffit amplement et comme le dit très bien Shimegi, il n'y a pas de raison que ceux qui ne respectent pas NC respectent d'avantage le BY... :(

Peux-tu expliciter aussi ta dernière phrase, elle n'est pas très claire.
Mammouthland a écrit:Restent les 0,5% à cause desquels ont doit se protéger de cette façon.
1) Se protéger de quoi ? Ne pas citer ton nom ou bien ammortir les coûts d'impression ou de gravure sur CD-rom (dont le prix contient une bonne part de taxe sur la copie privée revenant à la SACEM et autres SPRD) ?
2) De quelle façon se protéger ?

Merci à toi de participer à ce débat qui m'intéresse au plus au point. :D

PS
Désolé tout le monde pour la longueur excessive de ce message :? :(
Note à moi-même : réduire la longueur de mes posts et de mes commentaires... la prochaine fois.
Jorm

Messages : 250
Géo : Lyon

Mar 30 Juin, 2009 18:30

Hello !

Jorm a écrit:Frrr... frama... Framabook ! C'est cela !

;) Tu aurais aussi pu parler de la framakey...
Mais évidemment, bien sûr ! Normal qu'on paye le support, quel qu'il soit, si c'est édité ailleurs que sur le net. Donc qu'on paye le papier ou le CD-rom ou le bouquin, rien à redire.
Dans le cas des outils frama-*, ils sont tellement bien et indispensables que de mettre à disposition toute forme de distribution autre que "net pur", c'est... évident.

Mais là on ne parle pas de quelque chose qui a cette dimension. Et peut-être que c'est là qu'on a du mal à se comprendre.

Plus on est "petit" et plus on a besoin de se "protéger". Je ne pense pas qu'un margoulin quelconque essaye de vendre à son profit tous les outils développés par framasoft, ou essaye de le plagier (du moins, il risque de ne pas essayer longtemps). C'est trop gros maintenant, trop de notoriété autour.

En revanche quand on est petit et seul (je ne fais pas de misérabilisme hein, mais je ne suis ni une professionnelle du web, ni une association, ni une entreprise), on est forcément plus une "proie" facile. Une licence cc est vraiment le seul moyen que nous ayons à notre disposition pour avoir un recours en cas d'abus.

Je crois donc qu'il y a une méprise sur l'intention de départ vis à vis de cette clause NC. Si je l'ai choisie, c'est simplement pour alerter "attention, c'est du gratuit, c'est désintéressé, donc, pas d'utilisation commerciale (et c'est bien comme ça que c'est rédigé, non ?) parce que ce n'est pas dans cet esprit que cela a été conçu"

Mais, et c'est un point de vue que j'ai bien compris, toi et d'autres disent : "oui mais à ce moment là ce n'est plus du libre 100%, puisqu'il y a une restriction, et ça c'est pas bien."
Vous avez raison sur le fond, c'est vrai, on ne peut pas dire le contraire. Mais... mais comment dire... Chacun est "libre" ;) de choisir la licence qu'il veut, et de ne pas être à 200% "libre" (re :wink: )

Jorm a écrit:Ben oui mais tant pis pour toi ET pour les potentiels destinataires de ton travail. Si un utilisateur a du mal à lire sur un écran (il me semble que techniquement la lecture à l'écran est 30% mois rapide que sur papier

Tout à fait ! Je prône suffisamment l'accessibilité, donc ça c'est un argument qui peut me convaincre ;)
Car "tant pis pour moi", ce n'est pas grave puisque c'est moi qui le décide, donc j'assume. Mais c'est vrai que le support papier est mieux que le support écran.
Donc, admettons que j'accepte que tout soit relié dans un bouquin, et que celui-ci soit vendu au prix coutant. Est-ce commercial dans ce cas ? Je n'ai aucune connaissance dans ce domaine, donc je me goure peut-être complètement. Mais pour moi commerce veut dire profit. S'il n'y a pas de profit, y'a pas de commerce... Et si y'a pas de commerce, ça ne tombe pas sous le coup de la licence NC. (c'est naïf mon raisonnement là ? Ah ?!! :-D )

Jorm a écrit:1) Se protéger de quoi ? Ne pas citer ton nom ou bien ammortir les coûts d'impression ou de gravure sur CD-rom (dont le prix contient une bonne part de taxe sur la copie privée revenant à la SACEM et autres SPRD) ?

Et bien je viens peut-être de répondre en partie à cette question. L'amortissement du coup de gravure ou de l'édition d'un livret, pour moi ce n'est pas du commerce. Donc, je parle bien de rendre la mise à disposition des ressources dans le but de se faire du profit. Donc mon nom dans ce cas, c'est secondaire.
Jorm a écrit:2) De quelle façon se protéger ?

Ben... juridiquement ! (Si une petite discussion ne suffit pas à faire comprendre)

à bientôt ! :)
Mammouthland

Messages : 7

Mar 30 Juin, 2009 18:51

Mammouthland a écrit:Donc, admettons que j'accepte que tout soit relié dans un bouquin, et que celui-ci soit vendu au prix coutant. Est-ce commercial dans ce cas ? Je n'ai aucune connaissance dans ce domaine, donc je me goure peut-être complètement. Mais pour moi commerce veut dire profit. S'il n'y a pas de profit, y'a pas de commerce... Et si y'a pas de commerce, ça ne tombe pas sous le coup de la licence NC. (c'est naïf mon raisonnement là ? Ah ?!! :-D )

Commerce != profit.

En l'occurrence, la notion de commerce implique simplement la revente, quel qu'en soit le prix (même à perte !). À ma connaissance, il n'existe pas de licence empêchant spécifiquement la revente avec profit.

Au passage, considères-tu l'amortissement comme un profit ? La notion même de profit est déjà discutable :wink:
Veni, Vidi, Libri - Diffuseurs de Licences Libres
http://venividilibri.org
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Mer 01 Juil, 2009 07:59

Mais de toute façon, tu peux très bien mettre tes oeuvres sous licence cc-by-sa, comme cela, avec la clause share-alike, les gens qui prennent tes oeuvres pour en faire du commerce sont obligés d'indiquer que la licence est une licence cc, ce qui veut dire que le produit est disponible (gratuitement) sur le net.

Donc, après si des gens sont trop bêtes pour payer des choses qu'ils pourraient avoir gratuitement, toi tu n'y peut rien.

C'est assez drôle ma phrase précédente, si les majors la lisent, ils doivent faire des bonds sur leur chaise. Eux se battent pour que les gens achètent leurs produits et nous on se bat pour que les gens ne payent pas nos produit :D
cheval_boiteux

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Ven 03 Juil, 2009 20:00

cheval_boiteux a écrit:Mais de toute façon, tu peux très bien mettre tes oeuvres sous licence cc-by-sa, comme cela, avec la clause share-alike, les gens qui prennent tes oeuvres pour en faire du commerce sont obligés d'indiquer que la licence est une licence cc, ce qui veut dire que le produit est disponible (gratuitement) sur le net.

Oui, ça se défend.

cheval_boiteux a écrit:C'est assez drôle ma phrase précédente, si les majors la lisent, ils doivent faire des bonds sur leur chaise. Eux se battent pour que les gens achètent leurs produits et nous on se bat pour que les gens ne payent pas nos produit :D

J'aime assez effectivement ;)
Mammouthland

Messages : 7

Jeu 18 Oct, 2012 21:28

Bon, il y a un article récent sur ce débat encore :

Il y a ce débat sur la pertinence de la clause NC (non-commercial) et des licences la comprenant.

CC-BY-NC-SA

Le non commercial, avenir de la culture libre

Le 18 octobre 2012 Lionel Maurel (Calimaq)

La licence NC (non commerciale) des Creative Commons permet à chacun de diffuser la culture librement en se laissant finalement la possibilité d'en faire soi-même commerce. Insupportable pour les libristes orthodoxes. Lionel Maurel défend cette licence qu'il juge indispensable pour une réforme du droit d'auteur.

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Depuis le mois d’avril 2012, la fondation Creative Commons International a annoncé qu’une nouvelle version de ses licences (la 4.0) allait être publiée et un appel à commentaires a été lancé pour inviter la communauté à participer à la réflexion.

Des modifications importantes sont envisagées, comme le fait de globaliser les licences pour ne plus avoir à les adapter pays par pays, en fonction des législations nationales. Mais c’est une autre question qui s’est imposée dans les discussions : celle de la conservation ou non de la clause Non Commercial – Pas d’Utilisation Commerciale (NC).

Il s’agit à vrai dire d’un vieux débat qui divise le monde du libre depuis des années. A la différence des licences libres ou Open Source nées dans le secteur du logiciel, les licences Creative Commons proposent à leurs utilisateurs une option pour autoriser la réutilisation de leurs oeuvres, tout en maintenant l’interdiction de l’usage commercial.

Si l’on en croît le graphique ci-dessous, publié par Creative Commons dans la brochure The Power of Open, l’option NC est retenue par une majorité d’utilisateurs : 60% sur les quelques 450 millions d’oeuvres placées sous licence Creative Commons. Si l’on observe un site comme Flickr, la plateforme de partage de photographies, la tendance est plus forte encore : sur les 240 millions de photos sous licence Creative Commons que contient Flickr, 170 millions comportent une clause Non Commercial, soit 71%.

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En dépit de cette large adoption, le monde du libre est agité de débats pour savoir si de telles clauses sont compatibles avec les exigences de la Culture libre et si elles ne devraient pas tout simplement être supprimées des choix offerts par les licences Creative Commons.

Quand les licences Creative Commons ont commencé à devenir visibles, la communauté du libre, familiarisée avec les problématiques du logiciel, a fraîchement accueilli ces clauses NC. Une partie de la communauté a alors considéré que les licences interdisant les usages commerciaux ne devaient pas être considérées comme des licences “libres”. Une autre appellation a été mise en place pour les distinguer, celle de licences “de libre diffusion”.

Un label spécial a même été établi – et accepté par Creative Commons International – celui “d’oeuvre culturelle libre“, proche des quatre libertés du logiciel libre, accordé seulement à certaines licences parmi celles que propose Creative Commons : la CC-BY (Attribution), la CC-BY-SA (Attribution – Partage dans les mêmes conditions, qui est la licence de Wikipédia) et la CC0 (versement volontaire au domaine public).

Beaucoup de critiques adressés à la clause non commerciale portent sur son imprécision et il est vrai que la formulation actuelle des licences peut paraître ambigüe :

"L’Acceptant ne peut exercer aucun des droits qui lui ont été accordés à l’article 3 d’une manière telle qu’il aurait l’intention première ou l’objectif d’obtenir un avantage commercial ou une compensation financière privée. L’échange de l’Œuvre avec d’autres œuvres soumises au droit de la propriété littéraire et artistique par voie de partage de fichiers numériques ou autrement ne sera pas considérée comme ayant l’intention première ou l’objectif d’obtenir un avantage commercial ou une compensation financière privée, à condition qu’il n’y ait aucun paiement d’une compensation financière en connexion avec l’échange des œuvres soumises au droit de la propriété littéraire et artistique."

Qu’est-ce exactement qu’un “avantage commercial” ou une “compensation financière privée” ? Le “non-commercial” est défini de manière à inclure le partage non-marchand de fichiers, mais la délimitation avec les activités commerciales reste incertaine. Conscient du problème, Creative Commons avait publié en 2009 un rapport sur la question, soulignant la difficulté à tracer la distinction entre commercial et non commercial, mais sans apporter de réelles solutions.

Pour la version 4.0, l’intention de départ sur ce point était seulement d’essayer de clarifier la définition du NC, mais le débat a dévié vers l’opportunité de supprimer purement et simplement l’option. Plusieurs voix importantes se sont élevées pour réclamer cette réforme, comme celle de Rufus Pollock, l’un des co-fondateurs de l’Open Knowledge Foundation. Il soutient notamment que la clause non-commerciale est incompatible avec la notion de biens communs.

En France, Framablog s’est fait l’écho de ces débats, en publiant une série de traductions en défaveur de la clause non-commerciale (1, 2, 3), suivi par Stéphane Bortzmeyer sur son blog.

A contrecourant de ce pilonnage en règle, je voudrais ici montrer que la suppression de la clause non-commerciale serait une très mauvaise idée pour la défense de la Culture libre. La notion de “non-commercial” revêt même une importance stratégique décisive pour l’avenir, dans la mesure où, au-delà des licences Creative Commons, elle sert de pivot aux grands projets globaux de réforme du système de la propriété intellectuelle.

Plutôt que de la saper, les communautés du libre devraient plutôt contribuer à la réflexion pour la rendre la plus opérationnelle possible. C’est l’avenir de la réforme du droit d’auteur qui passera par le non-commercial (ou ne passera pas…).

Le faux argument du flou juridique

Le principal argument employé contre la clause “non commercial” réside dans le fait que la notion serait floue et qu’elle génèrerait de fait une insécurité juridique trop importante. Tous les détracteurs mettent en avant l’imprécision dans leur critique et on la retrouve notamment chez Eric Raymond, repris sur Framablog :

"Ce pourquoi elle devrait être enlevée n’a rien à voir avec aucune profonde philosophie ou politique couramment apportées dans le débat, et tout à voir avec le fait qu’il n’y a pas de critère légal de démarcation pour “activité commerciale”. Cette mauvaise définition se reflète dans les débats pour le terme commercial, qui signifie transaction financière ou lucratif, et c’est l’exacte raison pour laquelle l’Open Source Definition interdit aux licences logicielles open source de disposer de restrictions similaires.

Le groupe fondateur de l’OSI, après avoir étudié la possibilité, a conclu que l’attribut “NC” au sein d’une licence open source créerait une trop grande confusion au regard des droits et obligations, de trop nombreux effets secondaires sur des comportements que nous ne souhaitons pas encourager, et trop d’ouvertures possibles pour les plaideurs compulsifs. Ce qui est uniquement une source de contentieux au sein de notre communauté pourrait se révéler destructeur pour elle si des tribunaux antipathiques venaient à prendre des décisions défavorables, même de faible portée."


La première chose que l’on peut relever, c’est que le risque évoqué des “plaideurs compulsifs” ne s’est pas réalisé, depuis 10 ans bientôt qu’existent les licences Creative Commons.

Les procès ont été très rares (il n’y en a même aucun encore en France à propos des CC). Un certain nombre d’affaires cependant peuvent être citées ailleurs dans le monde, dans lesquelles les juges ont reconnu à chaque fois la validité des licences Creative Commons, lorsque des auteurs ont réclamé le respect des conditions qu’ils avaient fixées (pas du tout des plaideurs compulsifs donc, mais un usage “normal” et légitime des contrats que sont les Creative Commons).

Or plusieurs fois, les auteurs se plaignaient qu’un usage commercial avait été réalisé de leur oeuvres, alors qu’ils avaient fait le choix de les interdire par le biais d’une clause NC. Ce fut le cas en 2006 aux Pays-Bas (vente de photos par un magazine), en 2009 en Israël (photographies postées sur Flickr revendues incorporées à des collages), en 2009 encore en Belgique (reprise d’une musique dans une publicité pour un théâtre). Dans les trois cas, les juges n’ont eu aucune difficulté à établir que la clause NC avait été violée et les décisions n’ont pas fait l’objet d’un appel. Pas si mal, non, pour une clause jugée irréparablement imprécise !

La soi-disant imprécision du NC n’est en fait que relativement limitée. Il est vrai qu’elle affecte certains points importants : le fait de reprendre une oeuvre sur un site générant des revenus par le biais de publicités par exemple, ou encore celui d’utiliser une oeuvre dans un contexte pédagogique impliquant des échanges financiers (cours payant, formateur rémunéré, etc).

Mais pour l’essentiel, la définition du NC est largement opératoire. Un exemple intéressant à citer à ce propos réside dans le billet Complexité de la clause Non Commerciale des licences Creative Commons : la preuve par l’exemple, écrit par Evan Podromou et traduit par Framablog.

L’auteur liste une longue série de cas d’usages et essaie de montrer par ce biais l’imprécision de la clause NC. Mais il se trouve qu’en réalité, Evan Podromou apporte exactement la preuve inverse de celle qu’il voulait donner : dans la majorité des cas, il est capable de déterminer avec une certitude suffisante comment la clause doit être appliquée. Ce n’est que dans des hypothèses improbables et tarabiscotées que la clause est prise en défaut. Sur l’essentiel, elle tient largement la route :

"Un éditeur télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur internet, en fait un tirage de 100 000 exemplaires et le vend en librairies dans le pays. (Non)
Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le lit. (Oui)
Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante, et lit le document imprimé. (Oui)
Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’envoie par courriel à un ami. (Oui)
… et le partage avec le monde sur son site web. (Oui)
… et le partage avec le monde via un réseau P2P. (Oui)
Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante et le donne à un ami. (Oui)"


Après ça, je veux bien que l’on soutienne que l’idéologie ou la philosophie ne jouent aucun rôle dans le rejet de la clause NC, mais il me semble au contraire que l’idéologie a beaucoup de choses à voir avec la manière dont certains l’appréhendent, alors qu’une analyse juridique objective aboutit à de toutes autres conclusions.

Mettre en avant le flou juridique pour rejeter une notion, c’est aussi méconnaître profondément la manière dont fonctionne le droit lui-même. Le droit en réalité n’est jamais une matière “en noir et blanc”, même quand il utilise des catégories binaires. Il est rempli de “zones grises”, qui sont autant de marges de manoeuvre laissées aux juges pour adapter la règle de droit à la réalité, toujours mouvante.

Didier Frochot explique très bien sur le site les Infostratèges que ces zones grises du droit jouent en fait un rôle fondamental pour l’équilibre du système :

"Les zones grises sont une inévitable conséquence du fait que le droit est une science humaine : rêver de supprimer ces zones reviendrait à enfermer les êtres humains dans ces règles strictes et à leur interdire de vivre et d’évoluer. C’est peut-être le cas sous des régimes autoritaires dans lesquels peu de place est laissée à la liberté de l’homme, mais dans des pays libres, c’est la rançon du respect des libertés fondamentales.

Dans les pays respectueux des libertés donc, le couple droit écrit — jurisprudence est là pour définir les grands principes par écrit et délimiter la frontière au coup par coup et à mesure de l’évolution de la société, afin de réduire le plus possible ces fameuses zones grises."


Frochot rappelle aussi que beaucoup de notions juridiques comportent une marge d’incertitude quant à leur application (l’originalité, la vie privée, la diffamation, l’injure, etc). Faut-il pour autant les supprimer ? Il ne resterait plus grand chose dans les Codes ! Et d’ajouter cet argument essentiel :

"Mieux vaut considérer la vérité statistique : dans la majeure partie des cas, on sait précisément de quel côté de la frontière juridique on se trouve."

C’est le cas pour la clause NC, comme le démontre justement l’article de Framablog cité ci-dessus.

Par ailleurs, remarquons que les tenants de la suppression de la clause NC sont en général de farouches défenseurs du Partage à l’identique (Share Alike ou SA), autre option des licences Creative Commons. Or les effets de cette dernière sont tout aussi difficiles à déterminer, sinon davantage.

Un exemple éclatant en avait été donné lors de l’affaire Houellebecq contre Wikipédia, lorsque l’écrivain Michel Houellebecq avait été accusé d’avoir plagié des articles de Wikipédia en incorporant des extraits dans son roman sans citer la source. Les avis s’étaient partagés sur le point de savoir si l’effet viral de la licence CC-BY-SA de Wikipédia s’était déclenché à l’occasion d’une telle incorporation. Impossible de le déterminer : seul un juge en définitive aurait pu trancher avec certitude la question.

Supprimer la clause NC parce qu’elle est trop imprécise, pourquoi pas ? Mais si l’imprécision est la véritable raison, il faudrait aussi supprimer la clause SA !

Toutes les oeuvres ne sont pas des logiciels

Une source de confusions dans ce débat réside dans le fait que les détracteurs de la clause NC sont en général issus de la communauté du logiciel libre et ils restent fortement imprégnés de la logique particulière de ce domaine. Mais cette dernière n’est pas généralisable à l’ensemble des champs de la création, dans la mesure où toutes les oeuvres ne sont pas assimilables à des logiciels.

Dans le domaine du logiciel libre, la clause de Partage à l’identique (SA) joue en effet un rôle important de régulation, dans la mesure où elle se déclenche fréquemment en cas de réutilisation de l’oeuvre. En effet, lorsqu’un réutilisateur modifie une oeuvre pour en produire une nouvelle, la clause SA s’applique et l’oblige à placer l’oeuvre dérivée sous la même licence (effet viral). Dans le cas d’un logiciel, la clause se déclenche fréquemment lors d’une réutilisation, car pour utiliser un logiciel dans un autre contexte que celui d’origine, il est souvent nécessaire d’adapter le code. Cela induit un rapport particulier être les communautés développant les logiciels libres et le secteur marchand, évitant que leurs créations soient réappropriées de manière exclusive. C’est aussi le cas pour les wikis, où l’usage même implique une modification, ce qui fait que la licence CC-BY-SA convient très bien à Wikipédia.

Mais pour les oeuvres non-logicielles, les hypothèses de déclenchement de la clause SA sont plus rares. L’auteur d’un roman par exemple ne pourra pas empêcher que son oeuvre soit vendue, telle quelle par un éditeur s’il la place simplement sous licence BY-SA. Pour la photographie, c’est encore plus le cas. Les photos peuvent facilement être réutilisées sans modification, comme illustrations. Dans cette hypothèse, le partage à l’identique ne se déclenche pas.

Le problème, c’est que lorsqu’on examine les modèles économiques des acteurs qui utilisent les licences Creative Commons, on constate que dans bien des situations, ils reposent sur la réservation de l’usage commercial. Pour un auteur de textes par exemple, il arrive que des éditeurs acceptent que des oeuvres soient publiées par leur soin en papier, tout en permettant que les versions numériques circulent en ligne sous licence Creative Commons. Mais cette hypothèse est déjà rare (tout le monde n’est pas aussi militant que Framabook !) et elle le serait encore davantage, s’il n’était pas possible de réserver les usages commerciaux avec des licences NC.

Il existe également des photographes (Trey Ratcliff, Jonathan Worth), qui font le choix de diffuser leurs clichés sur Internet sous licence Creative Commons. Ils utilisent les forces du partage pour gagner en notoriété et faire connaître leurs oeuvres. Mais leur modèle économique repose sur la possibilité de continuer à tarifier les usages commerciaux, qu’il s’agisse de publications dans des médias ou d’expositions. On peut supprimer la clause NC, mais quel modèle économique pourra alors être mis en place dans le champ de la photo, hormis peut-être le crowdfunding ?

Toutes les oeuvres ne sont pas des logiciels et certains secteurs ont besoin de la clause NC pour que se constitue une économie du partage.

Défendre le non commercial, au lieu de le dénigrer

Le problème de la clause NC n’est pas tant l’imprécision que la généralité et on peut reprocher à Creative Commons International de ne pas avoir fait suffisamment de choix concernant la définition.

Car il serait assez simple en définitive de trancher une fois pour toutes les incertitudes affectant la notion. La discussion sur le site de Creative Commons à propos du passage à la version 4.0 est instructive à cet égard. 12 propositions avaient été faites dont certaines auraient pu apporter de réelles améliorations. Par exemple, préciser explicitement si la diffusion sur un site comportant de la publicité est un usage commercial ou non. Ou déterminer si un usage pédagogique doit être considéré ou non comme non-commercial, même s’il implique des échanges monétaires.

Mais pour cela, il aurait fallu que la communauté Creative Commons soit en mesure de choisir et il semble que ce soit davantage ce problème de gouvernance qui bloque l’évolution de la définition de la clause NC. La fondation Creative Commons s’oriente visiblement vers un maintien en l’état de la clause NC, ce qui ne manquera de faire grincer des dents, mais paraît l’option la plus sage, faute de consensus.

D’autres propositions intéressantes sont sur la table. Dans ce billet traduit en français par Paul Netze sur son site Politique du Netz, Rick Falkvinge du Parti Pirate Suédois propose une autre forme de définition, orientée vers la nature de la personne en cause :

"En définissant l’usage commercial comme un “usage par une entité légale qui n’est pas une personne naturelle ou une association à but non-lucratif”, vous l’appliquez uniquement aux entreprises à but lucratif. Vous permettez aux particuliers de vendre des disques à la sauvette au pied du camion, mais vous évitez les arnaques à grande échelle qui se règlent désormais dans les salons feutrés des cabinets d’avocat. Vous permettez aux gens de partager pour autant que cela n’équivaut pas à un emploi dans une entreprise. C’est la meilleure définition que j’ai vue jusqu’ici."

C’est une approche “organique”, mais on peut en concevoir d’autres d’ordre “matériel”, comme de réduire strictement le commercial à la vente du contenu. On peut aussi procéder de manière téléologique en définissant le commercial par le but lucratif.

Toutes ces hypothèses sont ouvertes, mais encore faudrait-il choisir !

L’important cependant, c’est de défendre le non-commercial contre les tentatives majeures de distorsion qu’il pourrait subir. Ce fut le cas notamment avec l’accord passé l’an dernier entre la SACEM et Creative Commons. La SACEM a accepté que ses membres puissent placer certaines des oeuvres de leur répertoire sous CC. Elle limite cependant cette option aux licences CC comportant la clause NC, ce qui me paraît compréhensible étant donné la nature de l’acteur. Mais à cette occasion, la définition du non-commercial a été modifiée à la demande la SACEM pour recouvrir un nombre important d’usages publics (par exemple, la simple diffusion dans un espace accessible au public). C’est une dérive grave et on ne devrait pas laisser évoluer ainsi la définition du non-commercial !

Mais pour cela, il faudrait que les communautés du libre participent à la défense du non-commercial face à ce genre d’agressions, plutôt que de le dénigrer systématiquement. D’autant plus que le non-commercial est appelé à jouer un rôle stratégique majeur pour l’avenir, au-delà de la question des licences.

Le non commercial, nouvelle frontière de la réforme du droit d’auteur ?

La notion de non-commercial joue en effet un rôle clé dans les propositions les plus élaborées actuellement pour penser la réforme du droit d’auteur. Les Éléments pour une réforme du droit d’auteur et les politiques culturelles liées, soutenus par la Quadrature du Net, s’articulent autour de la légalisation du partage non-marchand. Philippe Aigrain propose une définition volontairement restrictive du non-marchand, se rapprochant de l’usage personnel, afin d’éviter la centralisation des fichiers :

"Constitue un partage entre individus toute transmission d’un fichier (par échange de supports, mise à disposition sur un blog ou sur un réseau pair à pair, envoi par email, etc.) d’un lieu de stockage “ appartenant à l’individu ” à un lieu de stockage “ appartenant à un autre individu ”. “ Appartenant à l’individu ” est évident quand il s’agit d’un ordinateur personnel, d’un disque personnel ou d’un smartphone. Mais cette notion recouvre aussi un espace de stockage sur un serveur, lorsque le contrôle de cet espace appartient à l’usager et à lui seul (espace d’un abonné d’un fournisseur d’accès sur les serveurs de ce FAI, hébergement cloud si le fournisseur n’a pas de contrôle sur le contenu de cet hébergement).

Un partage est non-marchand s’il ne donne lieu à un aucun revenu, direct ou indirect (par exemple revenu publicitaire) pour aucune des deux parties. La notion de revenu est à entendre au sens strict comme perception monétaire ou troc contre une marchandise. Le fait d’accéder gratuitement à un fichier représentant une œuvre qui fait par ailleurs l’objet d’un commerce ne constitue en aucun cas un revenu."


Un même rôle décisif est alloué au non-commercial dans le programme du Parti Pirate, dont on retrouve les grandes lignes dans l’ouvrage The Case For Copyright Reform, traduit à nouveau en français par Paul Netze.

"Nous voulons que le droit d’auteur redevienne ce pourquoi il a été conçu, et rendre clair qu’il ne doit réguler que les échanges commerciaux. Copier ou utiliser un travail protégé sans but lucratif ne devrait jamais être interdit. Le pair à pair est, entre autres, une bonne raison pour cette légalisation."

Et les auteurs, Rick Falkvinge et Christian Engström, insistent sur le caractère globalement opérationnel de la distinction Commercial/Non commercial :

"Nous possédons déjà un arsenal juridique qui fait la distinction entre intention commerciale et non commerciale, incluant la législation sur le droit d’auteur telle qu’elle existe aujourd’hui. C’est une bonne chose que les tribunaux aient déjà établi une jurisprudence afin de déterminer ce qui est commercial ou pas [...] de façon générale, la limite entre activité commerciale et non commerciale est grossièrement à l’endroit où vous vous y attendiez."

Même Richard Stallman, libriste parmi les libristes, admet dans son projet global de réforme du système que la notion de non-commercial joue un rôle, pour les oeuvres d’art ou de divertissement !

Pour qu’il connaisse une évolution en profondeur, le système du droit d’auteur a besoin d’une réforme de grande ampleur. Il est clair que les projets politiques les plus élaborés ont besoin de la distinction entre le commercial et le non-commercial. D’une certaine manière, il s’agit même de la nouvelle frontière à atteindre. Dénigrer le non-commercial, en soutenant que la notion est vicieuse, c’est saper les chances qu’une telle réforme advienne. Lourde responsabilité à assumer…

Les lois actuelles, conçues pour l’environnement analogique, fonctionnaient sur la distinction entre l’usage privé (permis) et l’usage public (interdit). Avec le numérique, cette ancienne distinction n’est plus opérationnelle, dans la mesure où tout ou presque s’effectue “en public” sur Internet. C’est pourquoi le droit d’auteur a besoin d’une nouvelle grande distinction pour conditionner son application.

Et jusqu’à preuve du contraire, c’est la distinction commercial/non-commercial qui est la meilleure candidate pour ce rôle, en favorisant une immense libération des usages, tout en maintenant une sphère économique pour la création.

L’enjeu d’une Culture libre “mainstream”

Au-delà de cet argument essentiel, ce débat rejoint un autre enjeu fondamental, qui est celui de la diffusion des valeurs de la Culture libre. Si l’on reprend l’exemple de Flickr cité ci-dessus, on remarque que la plateforme comporte 240 millions de photographies sous CC… mais sur plus de 6, 5 milliards au total ! Soit un peu plus de 3,6% seulement. C’est certes en soi une masse importante de contenus réutilisables, mais certains y voient néanmoins le signe d’un certain échec des Creative Commons, au moins à devenir “mainstream”.

10 ans après leur création, les CC demeurent cantonnés à une communauté réduite d’utilisateurs. Combien d’entre eux reviendraient en arrière si on leur enlevait la possibilité d’utiliser le NC ? Peut-être pas tous, c’est certain, mais au moins une part importante. Veut-on encore réduire le cercle des utilisateurs, quand celui-ci a déjà du mal à s’étendre ?

Car le point de vue “libriste” pur et dur est encore moins partagé. Il reste nettement ancré autour de la communauté du logiciel libre, avec quelques extensions aux artistes, comme le groupe réunit autour de la licence Art Libre en France, ainsi qu’à la communauté des wikipédiens. Il a en outre la fâcheuse tendance à fonctionner à coup de stigmatisations et d’exclusions, comme ce fut encore le cas récemment avec les critiques qui ont fusé contre Yann Houry, ce professeur qui a été le premier a créé un manuel libre et gratuit sur iPad, mais en choisissant une licence comportant le NC. Immédiatement, le premier réflexe libriste a été de le descendre (horreur, l’iPad !). Pourtant, l’usage de cette licence a paru encore trop subversif à Apple, puisque la firme a demandé le retrait de l’ouvrage de l’Appstore. Preuve s’il en est que l’initiative faisait bien bouger les lignes !

A titre personnel, je rejette catégoriquement cette distinction entre des licences qui seraient libres ou non, parce qu’elles contiendraient une clause NC. Il n’y a pas le “libre” d’un côté et le reste, mais un processus graduel de libération des oeuvres, ou mieux, de mise en partage de la création.

Psychologiquement, le stade essentiel à passer pour mettre en partage son oeuvre n’est pas d’autoriser l’usage commercial. Il est en amont, dans le passage d’une logique où l’interdiction est première (copyright/Tous droits réservés), à une logique où la liberté devient la règle et la restriction l’exception (le principe de base des Creative Commons). C’est ce renversement mental qui fait entrer dans la Culture libre et pas en soi l’abandon du droit patrimonial.

Si les “libristes” souhaitent que les auteurs aillent plus loin, à eux de les convaincre. Mais que le choix soit toujours laissé in fine à l’auteur, ce qui passe par l’acceptation du maintien de la clause non-commerciale.

PS : à titre indicatif, l’auteur de ces lignes précise qu’il utilise constamment pour ses propres créations la licence CC-BY et qu’il n’a donc pas d’intérêt direct dans ce débat. La thèse défendue ici l’est au nom de l’intérêt général.

Photo par Mikeblogs [CC-BY]


Source : Owni.Fr

Bon, long texte, à relire plusieurs fois pour bien le digérer et comprendre. Je vous tente un résumé :

Parmi les licences Creative Commons, qui permettent aux usagers d'une oeuvre sous une telle licence d'utiliser, copier, partager et diffuser cette oeuvre sans devoir systématiquement en faire la demande à l'auteur, il y a celles qui contiennent la clasue NC (non-commercial).

Un des points porte sur la définition d'un usage commercial : s'il est clair qu'une oeuvre sous telle licence ne peut pas être vendue (sauf par son auteur), il est moins clair sur les usages liés à une activité lucrative (publicité, cours, etc.). Certaines personnes parlent de flou juridique et affirment la nécessité de re-définir cette clause (NC). D'autres pensent que les licences contenant la clause NC doivent être rayées du répertoire Creative Commons car elles ne sont pas des licences libres (elles interdisent l'usage commercial), à l'instar des licences contenant la clause ND (non-derivate), qui interdit d'en produire une copie modifiée (traduction et correction comprises !). Enfin, certains, dont fait partie l'auteur de l'article, affirment que les licences contenant cette clause NC jouent un rôle crucial dans l'évolution du droit d'auteur, dans sa transition et son adaptation aux nouveaux outils et usages numériques.

NC, ND, SA, qu'est-ce donc ?

Rappelons les six licences Creative Commons initiales, voici :

CC-BY
CC-BY-NC
CC-BY-ND
CC-BY-NC-ND
CC-BY-SA
CC-BY-NC-SA

CC = Creative Commons
BY = obligation de citer l'auteur et/ou la source (pointer un lien notamment), y compris pour la courte citation
NC = interdiction d'en faire un usage commercial (comme la vente notamment)
ND = interdiction d'en créer des copies modifiées
SA = les copies, modifiées ou non, sont obligatoirement soumises à la même licence.

De surcroît, l'usager d'une oeuvre sous une de ces licences Creative Commons doit mentionner le type de licence et indiquer son lien officiel sur le site, comme je l'ai fait, par exemple, tout au début de ce message.

Une septième licence, la CC0, a fait son apparence en 2009, qui permet à un auteur/artiste de mettre ses oeuvres dans le domaine public (au lieu d'attendre 70 ans après sa mort, délai qui était plus court auparavant, et que les industries ne se gêneraient pas de prolonger). Si j'utilise une oeuvre sous licence CC0, je n'ai aucune interdiction ni aucune obligation liée au droit d'auteur, pas même celle de citer l'auteur et/ou la source, ni même celle de mentionner qu'il s'agisse de la licence CC0, que ce soit pour une courte citation ou une citation plus conséquente. Cela dit, la plupart des libristes auront vent de citer l'auteur et/ou la source voire le type de licence, mais de leur propre initiative (avec engagement) et non par obligation légale (soumission à une autorité institutionnelle).

Et le débat sur NC, ND, SA ?

Essayons de citer des points positifs et des points négatifs pour chacune de ces clauses. J'y vais de mon point de vue, partial :

Il faut d'abord rappeler le caractère permanent de ces licences. Une fois qu'un artiste a mis une oeuvre sous une de ces licences, il ne peut théoriquement plus en changer.

La NC permet de créer un certain monopôle commercial (de l'auteur), tout en libérant le partage. Son éventuel défaut consiste surtout dans sa définiton "peu claire", le "flou juridique". Par exemple, ai-je le droit de donner un cours pour lequel je suis payé, mais en utilisant des fichiers didactiques sous la licence CC-BY-NC ? On critique souvent le flou juridique (considéré comme négatif), mais le flou juridique fait partie de ces rares espaces de liberté qui nous restent, tout comme les exceptions aux droits d'auteur. Vouloir éliminer le flou juridique serait synonyme d'amener un "déterminisme juridique", lequel nuirait à notre liberté de négocier, liberté déjà mise à mal par la disparition des lieux de réel marchandage, de négociation. Actuellement, on ne peut pas négocier le prix dans le magasin. On ne peut même pas donner un pourboire à la caissière du supermarché. En fin de compte, nous devons entretenir la liberté pour toute personne de faire un usage commercial ou non d'une oeuvre. Je n'utiliserai donc pas de licence contenant la clause NC ou des clauses similaires. Nous avons bien le droit de revendre des livres.

La ND permet d'interdire de produire des oeuvres dérivées, modifiées de l'originale. Prise à la lettre, elle interdit même de créer une traduction ou encore une correction d'un texte sous une licence contenant cette clause. Pour ma part, c'est la clause qui me semble la plus privative et irréaliste. Privative car elle empêche d'adapter une oeuvre à un usage, à une situation donnée, ce qui n'est pas du tout dans l'esprit du hacking. Irréaliste car les oeuvres elles-mêmes changent et revêtent plusieurs formes. Prenons par exemple un article sur un site web qui serait CC-BY-ND. Aurais-je le droit de le copier sur un forum ? Sur un forum, la mise en page n'est pas la même, je ferais donc une modification. En plus, les balises de code ne sont pas les mêmes. Ce serait clairement une modification (du code). Absurde carrément si deux auteurs qui ne se connaissent pas créent chacun de leur côté et en même temps deux oeuvres très ressemblantes, puis les mettent chacun sur son site, les deux sous licence CC-BY-ND (ou encore l'une sous CC-BY-ND et l'autre sous CC-BY).

La SA permet d'interdire le changement de licences pour les oeuvres modifiées. Cette interdiction est aussi antonyme de liberté. On peut, certes, comprendre qu'un auteur ne veut pas que des modifications de ses oeuvres se retrouvent prises par autrui sous une licence différente, surtout si l'oeuvre modifiée a plus de succès que l'originale. Mais on retrouve le même problème des oeuvres ressemblantes qui seraient créées et mises en ligne à peu près en même temps par deux artistes distincts et sous deux licences Creative Commons, différentes ou identiques. Par exemple, je mets en ligne une oeuvre musicale librement téléchargeable sous licence CC-BY-SA. Dans le même temps, un autre artiste met une oeuvre musicale très ressemblante sur son propre site et sous licence CC-BY. Je pourrais considérer alors que son oeuvre est une modification de la mienne et qu'il n'a pas respecté la SA. Ou je pourrais encore faire exprès de créer deux oeuvres différentes, légèreement ressemblantes, l'une sous CC-BY, l'autre sous CC-BY-SA. Quelques semaines plus tard, je crée une oeuvre "entre deux", sous licence CC-BY-ND. :mrgreen:

Toutes ces constatations m'amèneraient à créer des oeuvres sous licence CC0, où l'on ne va pas espionner voire contrôler les usages que font les usagers de nos oeuvres. C'est l'esprit WTFPL (licence des plus permissives pour les logiciels).

Le débat entre les partisans de la CC-BY et ceux de la CC0 est à peu près le même que celui entre partisans de la licence GPL et ceux de la licence BSD, à la différence que ces deux dernières s'appliquent à des logiciels.

La diversité parmi les piliers de la diversité

Finalement, la licence CC0 est bien la plus permissive des licences Creative Commons, mais supprimer ou interdire les autres licences Creative Commons ne serait pas créer de la liberté - la licence CC0 aurait un monopôle. Il vaut mieux donc maintenir les licences Creative Commons actuelles, éventuellement les re-définir, voire créer de nouvelles licences Creative Commons, tenant compte de nouvelles nuances, pour autant que ces nuances se révèlent pertinentes. La pluralité des licences nous permet de nous adapter de plusieurs manières et à plus de situations, juridiques, économiqes, sociales, culurelles.

A vos claviers !
Dernière édition par shokin le Ven 19 Oct, 2012 15:48, édité 1 fois au total.
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